Une pièce de monnaie

Il traîne ses guêtres depuis des années dans les rues de cette ville, lui, que l’on portait aux nues il y a 20 ans, se voit chaque jour, humilié, bafoué depuis cet accident de la vie qui l’a fait sombrer. Il n’en veut à personne, mais il est triste… il est amer… Comment, de cette vie si fastueuse autrefois, en est-il arrivé là ?

Sûrement en partie de sa faute, mais aussi et surtout à cause de tous ces rapaces qui ont profité jusqu’à la corde de sa prodigalité et de sa générosité sans limites.

Il trébuche sur un pavé mal scellé et son regard est attiré par une pièce qui rutile et scintille à ses pieds. Il titube…. Sa santé commence à lui jouer des tours… Mais il se reprend, se penche et ramasse le bijou reluisant. Il le scrute de son œil toujours acéré.

« C’est un trésor ! C’est une pièce de la collection de la Comtesse Lambasain ! » Il en est sûr.
Elle lui avait montré sa collection et il avait trouvé ça fabuleux.
« Il faut absolument que je la retrouve ». Soufflé et désorienté par sa découverte, il s’efforce de retrouver son ancienne adresse. Après bien des détours et contours, il se présente à la bonne adresse.
« Je vous attendais depuis si longtemps. Vous êtes le bienvenu. Maintenant que vous êtes revenu, je ne vous lâche plus. Vous m’avez tant donné par le passé et je sais que vous avez encore plus à m’apprendre aujourd’hui ».

Bel inconnu !

Lorsque j’entendis l’appel à témoins, je sus que je devais me rendre immédiatement à la gendarmerie.

L’homme recherché, j’en étais sûre, était celui que j’avais croisé hier, sur la Croisette. Pourquoi d’ailleurs avait-il attiré mon attention ?

Pour une fois, celui-ci avait, en effet, attiré mon regard… Alors que je flânais en bord de mer, je vis arriver, face à moi, un individu à la démarche altière, au corps athlétique et au pas assuré.  Vêtu tout de bleu marine avec un polo blanc et de beaux mocassins, il avait fier allure. La quarantaine environ, à peine plus… En tout cas, il détonnait au milieu des badauds qui déambulaient ce jour-là.

Bien sûr, dans un premier temps, c’est par sa prestance que je le remarquais. Mais bien vite, autre chose m’intrigua.

Un peu avant d’arriver à ma hauteur, il stoppa net sa progression et pivota deux fois sur lui-même avant de s’arrimer solidement au sol. Ce brusque revirement d’attitude me surprit. Je profitai de la chaise libre pour m’installer et continuer à l’observer.

Il avait d’un coup, perdu de sa superbe. Il me parut désormais inquiet, stressé, lançant des œillades de tout côté, dansant d’un pied sur l’autre.

Il sortit le portable de sa poche et se mit à pianoter fébrilement. Ses traits se contractèrent, sa mâchoire se serra, je le vis pâlir. J’eus soudain l’impression que ses jambes ne le portaient plus.

J’étais sur le point de lui venir en aide, mais me ressaisis. Rendez-vous manqué ou annulé, pensais-je ! Maîtresse démasquée ! Avec sa gueule, il est sûr qu’il en a au moins une…

N’étant qu’une détective débutante, je décidai d’abandonner mes supputations pour reprendre ma promenade.

Le lendemain, la gendarmette me révéla une toute autre version des faits. Cet homme, jugé extrêmement dangereux, était soupçonné d’avoir tué sa compagne.

Il se présenterait sous différentes identités, Do, Pa, J., S., et même M. Il appartiendrait à un cercle de fêlés, connus sous le nom des Agités….

Je vous le répète, cet individu semble extrêmement dangereux. Si vous le croisez, appelez immédiatement le 0800.52.24.62.

Conte revisité

Il est vrai qu’en me détrônant de reine des miss au pays de Lalaland, Blanche avait exacerbé ma haine en son encontre.

Pourtant, depuis que je l’avais recueillie, cette petite blanche l’était plus que la neige.

Malgré ses efforts pour me satisfaire, je la terrorisais. M’avais-je, à moi, laissé le choix ?

Je me devais donc de continuer de la maltraiter, martyriser, mortifier. C’était un peu ma revanche, moi qui avais vécu enfermé par un tyran. Je me vengeais de cette jeune fille qui me narguait par sa beauté. Mon miroir me le rappelait chaque jour. « Bien sûr, c’est elle la plus belle ! »

Cependant, au cours de mes nuits tourmentées, je me questionnais. Quel intérêt pour moi de laisser croupir cette princesse dans mes murs décrépis ? Recouvrerais-je ma beauté pour autant ?

Je savais par la rumeur qu’une maisonnette abritait sept petits gnomes dans la montagne.

Je convoquais alors mon fidèle chasseur, lui ordonnait de tuer Blanche et de me rapporter son cœur.

Je le savais épris de la belle captive et comptais sur lui pour déjouer le sort.

Mon chevalier servant revint avec un cœur de biche dans son écrin. Je feins la joie mais me réjouis en mon for intérieur.

Je compris que ma rivale avait été sauvée par le preux chevalier.

Je me mis à rêver et en fut, d’emblée apaisée. J’imaginais ma petite protégée bien entourée par Grincheux qui devait lui rappeler quelques souvenirs avec moi, avec Simplet, un peu mon fidèle chasseur, Timide et Dormeur lui apportant la paix et le repos et enfin Prof et Joyeux, qui, je l’espérais, l’emmèneraient vers de nouveaux horizons.

Sous un linceul de sable blond

Bien enseveli sous un linceul de sable blond, je finis par ouvrir un œil.

Je tente un premier mouvement et à ma grande surprise, je réussis à extraire un bras, puis l’autre…

Délicatement, mes jambes se mettent en mouvement. Maladroitement, je me redresse et tente quelques pas. Mes yeux endoloris par le soleil puissant me révèlent des traces inconnues pour moi.

J’y vais… hésitant, mais guidé par une certitude irrépressible… Quelqu’un m’attend au bout de ces empreintes. Mon côté gauche me fait terriblement souffrir, comme s’il me manquait une côte…

J’insiste, je sais que la surprise est au bout du chemin… Un fennec rebondit à mes côtés…. Il me guide…. Je le suis… Et là, j’ai la révélation de ma vie…. Elle est là…. Elle m’attend….

Malheureusement, je ne savais pas encore qu’elle était en train de croquer la pomme qui allait, à tout jamais, changer la face du monde.

En demi-teinte

Les couleurs de l’automne sont encore belles à l’horizon.
Le soleil décline plus rapidement mais orne toujours le ciel de couleurs chatoyantes.
Les collines se parent de reflets mordorés et flamboient après les dernières vendanges.

La température encore douce me réconforte…
Puis, peu à peu, la fraîcheur du soir me saisit.
La brume du matin m’engourdit le cerveau.

Je vois passer les vols de grues, j’entends leurs cris annonciateurs des premiers frimas de l’hiver.
Malheureusement, je ne peux comme elles, m’en aller vers le soleil et la chaleur.

Aussi je me résigne à attendre l’arrivée du printemps.